Mission accomplie

Mission accomplie.

Non ce n’est pas d’Apollo ou de la victoire Ford aux 24 heures du Mans 1966 dont je vais vous parler ce jour. Pourtant on pourra y voir certaines similitudes : un objectif à atteindre et une longue route semée d’embûches avant la délivrance.

L’objectif c’était la transmission et le partage des connaissances avec les collectionneurs. La longue route comporta des engagements rompus et diverses tensions. La délivrance, ce fut la publication par mes enfants de l’intégralité des blogs en version papier. Une seconde édition a dû été lancé devant le succès de la première. Il  reste quelques exemplaires à vendre.

Le Livre ! ...six livres ! plus de 2000 pages de partage de connaissance
Le Livre ! …six livres ! plus de 2000 pages de partage de connaissance

Comme il est loin mon premier blog. Mes premiers textes étaient écrits sur des feuilles, à l’ancienne. J’avais toujours un papier plié en quatre dans ma poche, il me permettait lorsqu’une idée venait, de la consigner.

Quand mon épouse a commencé à lire mes premiers textes elle a compris qu’il allait y avoir du travail pour remettre en forme mes écrits gribouillés bien souvent sur un coin de table et parfois décousus. En voyant le chemin parcouru, nous en rions souvent, nous revoyant assis sur le canapé à tenter de déchiffrer ma prose. Ce ne fut pas toujours un long fleuve tranquille.

Ce blog hebdomadaire doit sa naissance à une rupture de contrat entre M . Faujanet, propriétaire du feu journal « Passion 43 » et moi. Durant des mois et par l’intermédiaire de Didier Beaujardin ce dernier m’a sollicité pour que je participe à l’aventure du journal qu’il envisageait de lancer. Après m’avoir convaincu, il a changé d’avis et m’a écarté de manière peu élégante. Cette mise à l’écart a décuplé mon envie de réaliser quelque chose, qui, à ma manière, me permettrait de partager et de transmettre mes connaissances.

La possibilité de choisir mes sujets, de ne pas s’inquiéter du taux de fréquentation et de n’avoir aucun compte à rendre à un quelconque annonceur m’a donné une grande liberté de création.

J’ai souhaité un libre accès à ces informations, sans publicité et en toute indépendance par rapport à mon activité professionnelle. Les modèles que j’avais à vendre n’ont jamais influencé le choix des sujets abordés. C’est un point important à préciser.

ll restait à nous mettre, mon épouse et moi au travail. L’affront résultant de ma mise à l’écart de la rédaction du magazine a vite été oublié au profit d’une cause bien plus positive : remercier mon père à travers ces articles. Notre collection est atypique, elle n’est pas personnelle, nous l’avons constituée conjointement mon père et moi.

J’ai compris très rapidement comment mon père appréciait ce travail. Le dimanche matin, quand un article lui plaisait je recevais très tôt un petit message de félicitations qui me faisait chaud au coeur. Il aura gardé jusqu’au dernier moment une candeur rare et une capacité à s’émerveiller. (lire le blog Comme dans un rêve )

Il pensait vraiment qu’à un moment nous n’aurions plus d’arguments, mon épouse et moi pour développer des sujets. Pas plus tard qu’hier, le 13 mai 2023, lors de l’exposition que le musée Maillol a consacré au photographe Elliot Erwitt, j’ai pensé à mon père. Une incroyable photographie prise à Moscou le 24 juillet 1959 mettant en scène un Richard Nixon courroucé et un Nikita Khrouchtchev les yeux mi-clos, comme groggy m’a fait sourire et m’a inspiré ces quelques lignes.

Cette photo sera détournée par l’équipe de campagne de Richard Nixon lors des élections.

Son index accusateur, ses mâchoires serrées donnent de lui l’image d’un homme qui n’a pas peur de dire ce qu’il pense. Un homme qui a le courage de défendre les valeurs de l’Amérique face au bloc communiste.

Comme le révélera plus tard le photographe de l’agence Magnum Elliot Erwitt, les propos tenus à ce moment étaient très éloignés de tout cela. La photo est prise sur le stand d’une société américaine fabricant des cuisines lors d’une foire commerciale internationale à Moscou. Les deux hommes devisent sur la valeur nutritive de la soupe de choux rouge par rapport à la viande rouge ! La planche contact exposée montre bien que l’ambiance était cordiale ce jour là, en tout cas très éloignée de l’utilisation que les proches de Nixon feront de la photo.

C’est là tout le pouvoir d’une image sortie de son contexte. Rapprochons l’anecdote du catalogue Solido de 1977.

Si on le regarde brièvement à un instant T, on est rassuré sur l’avenir de l’entreprise. C’est également la portée que donne à ces images M. De Vazeilles, qui dirige à cette époque l’entreprise avec ses deux soeurs. Il est sur le départ et comme il le dira plus tard dans une interview, il a laissé de nombreux projets aux repreneurs. Je fus le premier trompé.

En voyant les nombreuses nouveautés sur le catalogue, je me souviens avoir été confiant quant à la pérennité de l’entreprise. En analysant les dessins de Jean Blanche, pourtant, on pouvait émettre quelques doutes qui se confirmeront dans l’année, lors de la parution des modèles.

La première « nouveauté » est une déclinaison de la « Daytona Gr4 » version NART…le problème vient du fait que Solido a choisi la seule Daytona ayant participé au Mans qui possédait un spoiler avant particulier. Plus tard quand la BAM décidera de réaliser l’intégralité des Daytona ayant pris le départ de la classique mancelle, elle réalisera cette pièce en white metal et la vendra séparément.

Quand à la Porsche 917/10 Uniroyal, elle sortira dans une livrée unicolore et non bicolore comme l’original.

Pire, la Ford Escort groupe 2 qui accumulait les victoires au championnat du monde des rallyes, particulièrement lors des manches disputées sur terrain cassant, ne recevra jamais ses extensions d’aile et ses appendices aérodynamiques…le dessin de Blanche est révélateur…l’auto est une sage et banale berline routière recevant la décoration de celle qui s’était imposée au RAC en 1975.

Idem pour l’Alpine A441 turbo, la Ferrari 512M Piper… J’arrête là le descriptif, la liste est longue. Le catalogue est une succession de décorations bâclées, de modèles inexacts, incomplets ou de modèles qui ne verront jamais le jour !

Il y a même une Dinky Toys (Opel Rekord 1900) sur le Saviem SM300 porte-autos page 18 ! On est loin de l’image idyllique qu’on avait de Solido.

Il ne faut pas se fier aux images ! Elles demandent souvent une analyse, elles prennent leur sens avec ce qui les précède et ce qui les suit, comme les vignettes du catalogue Solido 1977 le prouvent.

J’ai en réserve une soixantaine de blogs qui ne demandent qu’à être finalisés, approfondis, complétés . Les sujets bien sûr sont infinis. Mon père peut être rassuré.

Pourtant le blog que vous lisez est le dernier. Plusieurs éléments sont venus modifier la donne. Le premier, c’est la création de la Newsletter hebdomadaire sur le site de mes enfants. Je n’aime pas utiliser cet anglicisme. J’aurais appelé cela « chronique hebdomadaire présentant les nouveautés de la semaine à venir ».  L’exercice est différent par rapport au blog. Cela demande de la réactivité, et je n’ai plus la liberté de choisir mes thèmes comme dans le blog. Je suis lié aux modèles programmés à la vente. C’est différent.

Cette « Newsletter » n’est pas arrivée par hasard. Cela mérite quelques explications que je pense instructives. Elle est née très exactement le dimanche 16 octobre 2022 sur le parking de la bourse aux jouets de Tournefeuille, près de Toulouse, d’un constat simple. En tant que collectionneur il me semble que les salles de ventes aux enchères ne savent pas mettre en valeur leurs produits. Je l’ai fait remarquer à une responsable de la société de vente aux enchères Collectoys : expliquer la provenance des produits, leur particularité, leur intérêt, leur vraie rareté… un ensemble d’éléments dont l’amateur a besoin avant de se décider à acquérir un modèle. Les bourses d’échange ont été très longtemps un endroit privilégié dans l’échange d’informations. Pour de multiples raisons elles ne peuvent plus répondre entièrement aux questionnements des collectionneurs.

La route pour rentrer en région parisienne est longue et je me suis dit que nous devrions reprendre à notre compte ces remarques formulées quelques heures plus tôt. Une semaine après, le 23 octobre paraissait la première Newsletter. Depuis cette date elle paraît toutes les semaines. Elle a beaucoup de succès. J’avoue avoir du plaisir à la réaliser, je me suis surpris, j’aime improviser sur des modèles très différents. Bientôt vous pourrez consulter toutes les Newsletter sur une partie du site commercial qui sera dédiée à cette parution hebdomadaire.

L’autre élément qui a fini de me convaincre a été la publication en version papier du blog. La fin d’un cycle en quelque sorte.

J’avais l’habitude d’interrompre de juin à septembre la publication du blog. Je termine donc la saison. Je continue par ailleurs le magazine Pipelette qui sort une fois par an et qui a trouvé ses marques. Le numéro 10 sortira en décembre. Il est bien avancé. Il reste dans l’esprit du blog.

Je profite de l’occasion pour vous donner le lien permettant de vous inscrire à la Newsletter. Je vous rassure c’est gratuit et vous ne serez pas importuné par les publicités. 

Cliquez sur le lien suivant et indiquez votre adresse mail:

http://eepurl.com/hO1OSj

 

le jeu des sept erreurs

Le jeu des sept erreurs.

Lorsque j’étais enfant j’appréciais les pages des magazines consacrées aux jeux et destinées au jeune public. J’aimais particulièrement ceux qui mettaient l’observation en avant, où l’on devait repérer les différences entre deux dessins qui semblaient pourtant identiques. Ils étaient souvent dénommés « jeux des sept erreurs ».

J’ai grandi, et mon sens de l’observation s’est développé. C’est un sens primordial dans la collection des miniatures automobiles. Il permet par exemple d’aider à mémoriser une nuance de couleur ou à authentifier l’application d’un pochoir de pare-chocs sur une Dinky Toys.

Je vais donc vous proposer un petit jeu qui vous permettra de tester votre sens de l’observation.

JRD avait l’art d’étoffer fort intelligemment un catalogue avec des moyens limités.

Le modèle présenté ce jour est en tout point exceptionnel. Il résulte d’un assemblage ingénieux de sept éléments puisés dans la banque de pièces détachées de la firme de Montreuil. Cela a été réalisé avec talent. Le modèle a son identité propre et ne ressemble à aucun autre modèle de la marque malgré l’emprunt de toutes les parties qui le constituent. Un tour de force.

Ce camion c’est un Unic Izoard dénommé transport de liquide. Je vous laisse observer la photo. A vous de trouver les sept éléments empruntés aux autres modèles de la gamme.

Commençons par le premier, le plus facile. La cabine. C’est bien sûr celle de l’Unic Izoard. Elle a été créée pour l’ensemble porte-wagons. Elle est fidèlement réalisée et bénéficie d’une belle gravure.

Le deuxième élément n’est pas le plus simple à identifier. C’est le plateau qui a été conçu pour recevoir la caisse fourgon. On a vu dans le blog précédent (jouet français) comment JRD avait astucieusement conçu cette pièce qui avait deux fonctions : servir de point de fixation pour la cabine et recevoir la caisse. Dans cette version transport de liquide, JRD l’utilise comme un plateau simple.

Le troisième élément c’est l’essieu double avec roues jumelées qui a été conçu au départ pour l’élément décrit ci-dessus. Rappelons que la première mouture de l’Izoard bénéficiait d’un châssis court et d’un essieu simple. La réalisation du fourgon, donc d’un châssis long, avait entrainé celle de cet essieu.

Le quatrième est facile à identifier. C’est l’utilisation de trois cuves que JRD a créées initialement pour sa version laitier de l’Unic ZU120.

Dans la version 60 hectos, les cuves sont placées de manière longitudinale et non plus de manière transversale comme pour le laitier. Cela a pour effet de donner une physionomie très différente à ce véhicule, certes peu crédible par rapport à la réalité mais plein de charme.

Le cinquième élément n’est pas évident à repérer. C’est l’échelle en tôle fixée sur chaque cuve, provenant du wagon Kronenbourg !

C’est un détail, mais ces échelles habillent les cuves et donnent au jouet  une finition précieuse. Les enfants ont dû apprécier ce triple petit détail.

Je dois ici signaler l’existence d’une variante. L’ échelle fixée sur la cuve grâce à une agrafe se situe devant ou derrière l’orifice de remplissage de la cuve . Ce n’est pas une erreur de montage des cuves. Elles ont toujours le robinet de vidange situé à l’arrière de la cuve. C’est une vraie variante et l’une de ces variantes est vraiment plus rare que l’autre. Je vous laisse deviner laquelle.

Le sixième élément emprunté a la même fonction que celui décrit précédemment. Il contribue à habiller le jouet. Ce sont les deux tuyaux en caoutchouc noir avec leurs embouts en zamac brut créés pour le Berliet gak feux de forêt et placés sur chaque côté du plateau. Ils comblent l’espace entre les cuves et le bord du plateau.

 

Le septième élément est difficile à repérer Mais si vous êtes amateur de JRD vous l’aurez peut être trouvé.

C’est l’association de couleurs, argent et rouge, identique au Berliet Gak benne à ordures. Cela n’a l’air de rien, mais ce sont des économies d’échelle.

Limiter le nombre de peintures utilisées a de nombreux avantages (prix de revient, entretien de la cabine de peinture…)  JRD sera coutumier de ce type de pratique.

Nous retrouverons à un moment le Berliet Tak semi-remorque panier Antargaz  également dans cette finition de couleurs. Plus tard, pour varier un peu son offre, JRD utilisera du bleu métallisé. Ce camion Antargaz en profitera tout comme la benne à ordure décrite plus haut .Voilà comment naissent les couleurs rares !

En dehors de l’étui individuel, la seule chose que JRD a créé c’est une planche de décorations comportant une décalcomanie sur laquelle figure la tare du camion et six autres de forme ronde cerclées de jaune avec mention 60 hectos au centre. L’investissement était modeste. A un certain moment, ces décalcomanies seront appliquées sur un autre modèle de la gamme, l’Unic ZU120 laitier. J’ai eu l’occasion d’en croiser plusieurs, confirmant que ce n’est pas un accident de production.

JRD ne sera pas récompensé de sa bonne gestion et de sa volonté de réduire les coûts. Ironie de l’histoire, bien que nous ne soyons que dans les années soixante, la firme s’arrêtera victime des premiers effets de la mondialisation. Le groupe américain Johnson racheta le groupe français Jex (les tampons). Hasard malheureux, JRD appartenait à ce groupe français. Lors de cette acquisition les américains n’ont souhaité garder que les branches ayant un rapport avec les produits d’entretien. Il n’ont sans doute pas réalisé que l’entreprise JRD, au delà de sa gestion remarquable véhiculait une image de jouets de bonne qualité. L’entreprise fut contrainte de cesser toute activité.

P.S Mes enfants m’ont fait la surprise de publier pour mes soixante ans, grâce à l’aide de monsieur Dufresne  l’intégralité des blogs en version papier.  6 ouvrages, plus de 2000 pages ! Les cinquante exemplaires numérotés ont été vendu en deux heures. Devant le nombre de gens n’ayant pu l’obtenir, ils ont décidé de relancer une série de cinquante exemplaires, non numérotés cette fois. Vous pouvez les contacter aux adresses suivantes:   penelope.autojaune@gmail.com  ou  adrien@autojauneparis.com

voir la video de présentation: https://www.youtube.com/embed/CYy2iFwaJEM

Le Livre ! ...six livres ! plus de 2000 pages de partage de connaissance
Le Livre ! …six livres ! plus de 2000 pages de partage de connaissance

 

 

 

 

« jouet français »

« Jouet Français »

Dans l’histoire de la peinture, pour désigner un courant marquant on parle volontiers de « peinture italienne » ou de « peinture flamande ». On associe donc un pays, une région, à un mouvement pictural.

Ces courants furent si importants, leur durée fut si longue que l’on doit ajouter un marqueur temporel. On parle en siècles : « la peinture espagnole du 17 ème siècle ». Si la période s’avère particulièrement riche comme ce fut le cas ici, on divisera géographiquement, par villes, les différentes écoles : Séville (Velasquez,Zurbaran, Murillo…) ou Madrid .

Dans le domaine du jouet, on peut également opérer un classement en fonction du style, de la qualité, de l’ingéniosité dans la conception, en fonction du lieu de création de l’objet.

Des caractéristiques bien particulières se relèvent en fonction des lieux de production. C’est ainsi que dans les premiers ouvrages de Géo Véran, puis de Jacques Greilsamer, les classements sont organisés par pays de fabrication.

Dans le magazine Pipelette (numéro 8), j’avais souligné comment, dans les années soixante-dix, l’Anglais Cecil Gibson, un autre pionnier de la collection, avait lui aussi dans son livre « Model commercial vehicules » classé les productions par pays, prouvant bien que les jouets ont une identité propre en fonction de leur lieu de création.

Ce dernier avait même intitulé un des chapitres « Fourgons français », et ce dans la langue de Molière.

Les photos sont évocatrices. Outre les publicités de firmes françaises, il se dégage un style de fabrication, de finition, propre à notre pays. Il faut juste ouvrir les yeux. Il est vrai que jusqu’aux années soixante-dix, tous les véhicules, camions et autos avaient souvent déjà une identité liée à leur pays de conception.

Prenons l’exemple du Renault 1000Kg que Lion Car aux Pays-Bas et C-I-J en France ont reproduit. Il est clair que chacun possède une identité liée à son pays d’origine. Le Lion Car, juste de ligne, est réalisé sans génie. Simple, solide, économique, rustique.

Le C-I-J est fin, fragile, ingénieux. Grâce à une technique (gravure du moule) et un savoir-faire inégalé au niveau du façonnage des parties en tôle (portes arrière, marchepied repliable), la firme de Briare a réalisé un modèle quasiment parfait. Si l’on ajoute la qualité de fabrication, d’assemblage et de peinture, on obtient un objet qu’on ne se lasse pas de regarder dans sa vitrine, et ce même dans une livrée classique.

JRD est également digne de posséder le label « jouet français».

Logique, me direz- vous vu le lien existant entre C-I-J et JRD. Rappelons que cette dernière est née de l’arrêt de la fabrication des jouets Citroën avant guerre par C-I-J, qui se tourna vers Renault.

L’histoire du Berliet TLR tracteur semi-remorque Fruehauf à un essieu aux couleurs de la brasserie Kronenbourg, reproduit par JRD est évocatrice de cet esprit de conception. La brasserie alsacienne possédait dans sa flotte plusieurs exemplaires de ce véhicule ainsi carrossé.

La remorque est de conception simple, à l’image de celle qu’elle reproduit : deux portes, une caisse de type parallélépipède rectangle et un châssis en tôle serti à cette dernière.

Elle est finement injectée en zamac. Les flancs des premiers exemplaires sont intégralement striés. Le résultat est parfait. Cependant, l’application et la conservation des décalcomanies posa problème. Ces dernières réclament une surface plane pour une application optimale. JRD modifiera son moule en créant deux grands rectangles plats, du format des décalcomanies.

Ce camion aura une longue histoire, et de multiples variantes de décoration au niveau du décalcomanies apposé sur le fronton de la remorque. On compte pas moins de trois décorations différentes.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. C’est ici que l’ingéniosité et l’art d’utiliser les pièces existantes pour multiplier les variantes interviennent. En gastronomie on parlerait de « l’art d’accommoder les restes avec talent ».

Au même moment JRD avait mis à son catalogue un autre ensemble, original : un camion Unic Izoard tracteur avec une remorque surbaissée et un wagon…aux couleurs Kronenbourg ! (lire le blog consacré à ce modèle)

JRD va créer un cadre sur lequel la caisse de la remorque décrite plus haut va s’adapter parfaitement. L’ensemble est fixé à la cabine de l’Unic Izoard grâce à deux points de sertissage. Voilà comment cet Unic Izoard conçu au départ en tracteur, avec un châssis court se retrouve en porteur châssis long.

Malgré ce bricolage, l’ensemble dégage une certaine crédibilité. De nombreux petits garçons auraient aimé se retrouver au volant d’un tel ensemble. Enfant, j’ai moi-même hérité d’un exemplaire offert par un cousin germain. Quel beau souvenir.

Grace à ce montage, JRD va astucieusement et à peu de frais garnir son catalogue d’un somptueux modèle aux couleurs du pétrolier Hafa. Une des plus belles harmonies de couleur à mes yeux dans l’histoire des modèles réduits de poids-lourds : saumon et bleu roi.

Mieux, elle va aller jusqu’au bout de la logique. En créant un train articulé, JRD va s’offrir aussi une remorque qu’elle pourra accrocher derrière son Unic Lautaret s’offrant un ensemble unique dans l’histoire du jouet.

Elle créera des décalcomanies au format des panneaux rectangulaires : Transports Internationaux. La longue liste des villes desservies par cet ensemble fait rêver. C’est l’Europe avant l’heure.

En fonction des périodes de fabrication, ces ensembles sont équipés de pneus blancs puis noirs. Ces derniers ont un dessin tellement particulier qu’ils participent à la beauté de l’ensemble.

Signalons que la version Transports internationaux fut déclinée en trois combinaisons de couleurs. L’une d’elle, la verte et saumon, pouvait recevoir au gré des fabrications des décalcomanies de couleur orange ou blanc. A l’arrivée, nous avons donc quatre variantes.

Enfin, la remorque fut aussi vendue en étui individuel, mais seulement dans la version orange et blanche.

L’histoire ne va pas s’arrêter là. Nous verrons dans un mois la suite de cette saga.

Mobilité douce

Mobilité douce.

Le décor est minimaliste. Un bureau, une chaise, un fauteuil. Nous sommes au théâtre et nous assistons à un monologue de Fabrice Luchini, capté par la télévision et intitulé « Des écrivains parlent d’argent ». Pas besoin de décor d’ailleurs, l’acteur occupe l’espace à lui tout seul.

Il hypnotise son public, joue avec lui, le fait participer. Il ne se gêne pas pour le caricaturer. Il invente ainsi le personnage de la « guerrière » celle qui lit Télérama, ne rate pas une exposition et traîne son mari, Robert, au spectacle. On sent qu’il aime son public, l’amour est réciproque.

Fabrice Luchini : Un homme heureux à Paris ?
Fabrice Luchini : Un homme heureux à Paris ?

Plus tard, au milieu de son monologue, il évoquera avec respect ses maîtres, Louis Jouvet et Michel Bouquet qui un jour lui avait révélé  » tu crois que tu joues pour les spectateurs mais en fait tu joues avec ».

Soudain, en plein spectacle, il invective des « spectateurs » qui arrivent en retard. Il arrête le cours de son histoire pour aborder les problèmes de transport à Paris. Il semble connaître les problèmes qu’ont rencontrés ces retardataires : les embouteillages inextricables qui empêchent d’arriver à l’heure au spectacle à Paris.

Avec humour, il décrit les difficultés qu’ont désormais les gens à vivre ensemble et à se respecter. Chacun pour soi. Il parle de »mobilité douce » pour reprendre l’ expression à la mode dans les milieux politiques et qui convoque les nouveaux moyens de locomotion destinés à remplacer la voiture : trottinettes, vélos, monoroues…. Il s’en sert même comme d’un leitmotiv.

Se déplacer dans Paris est un enfer quotidien.

Pourtant cela n’a pas toujours été le cas. Hasard du calendrier, quelque temps après, lors de la manifestation lyonnaise « Epoq’ auto », j’ai fait une découverte que j’ai reliée à ce spectacle et à  » la mobilité douce ».

Le vendeur d’un stand m’a accosté pour m’annoncer qu’il avait peut-être quelque chose pour moi. Il extirpe alors d’un carton une splendide boîte de jeu au titre évocateur : « Panam’auto ».

La présence sur le couvercle du coffret d’une étiquette représentant quelques monuments emblématiques de la capitale : arc de triomphe, tour Eiffel, colonne Vendôme, obélisque, opéra Garnier et des automobiles, prouve ainsi que l’automobile a longtemps fait bon ménage avec la ville de Paris.

Au point même de faire l’association entre ce moyen de locomotion et la ville lumière pour ce jeu de société.

Mais pourquoi avoir choisi le terme, désuet de nos jours, de « Panam’ « ? J’ai trouvé la réponse grâce à un article fort bien documenté signé Claude Duneton qui tenait dans les pages du Figaro une rubrique « le plaisir des mots ».

Cette appellation de « Panam’ » pour signifier Paris fut d’abord péjorative. Elle date de « L’affaire Panama » de 1892. Plus d’une centaine de députés avaient reçu des chèques de la société de percement du canal, destinés à ’acheter les votes. En écho à leur mécontentement, les maraîchers de la banlieue qui devaient chaque jour payer l’octroi lors du passage aux portes de Paris avec leur marchandise, renommèrent la capitale  » Paname » associant ainsi l’image du scandale à la ville.

Comme l’explique Claude Duneton, c’est la première guerre mondiale qui fit évoluer la signification de ce sobriquet quand les soldats partis au front n’avaient qu’une idée en tête, celle d’avoir une permission, de quitter l’enfer, et de revenir à « Paname ». Et c’est ainsi que le surnom prit une connotation joyeuse et le garda jusqu’à Maurice Chevallier.

(lire le blog c’est béton)

(lire le blog il est cinq heures) 

Nous pouvons d’ailleurs dater ce beau coffret du début des années trente. La particularité de celui-ci tient à sa composition. Il est connu et répertorié avec six Renault Nervasport fabriquées par la C-I-J.

Celui trouvé lors du salon est singulier : trois Peugeot 201 torpédo de chez AR dans trois coloris différents et trois incroyables CD : une Renault 40cv coupé, une Delahaye fourgonnette et une Chenard et Walker limousine.

On peut penser que le fabricant du jeu panachait la garniture de ses coffrets avec ce qui était disponible dans le stock des petits fabricants qu’étaient AR ou CD. C’est peut être le prix de vente inférieur des Renault Nervasport qui conduisit l’assembleur à se tourner vers la C-I-J.

Il était sans doute aussi intéressant, pour un jeu, d’avoir des numéros de course assortis (vous aurez noté que les numéros se suivent). L’état exceptionnel des autos qui n’ont jamais servi renforce l’idée d’authenticité du coffret.

Quelle belle découverte ! On appréciera la transition entre ces deux fabricants français. Les CD, bien antérieures aux AR sont certes plus rustiques mais quel charme.

Cette Renault 40cv est en tout point somptueuse. Sa ligne fluide, élégante, équilibrée, en fait la plus belle pièce du coffret.

C’est celle que j’aurais choisie pour participer à ce jeu qui consistait à éviter les embûches de la circulation parisienne.

Au début des années 1930 on évoquait déjà les ralentissements. Le tapis du jeu est révélateur avec ses sens interdits et les injonctions de ralentir. Finalement la circulation dans Paris ressemble un peu à ce jeu de société : une progression semée d’embûches et relevant du hasard .